L’association MARQUES interpelle l’ICANN au sujet de la première révision des procédures UDRP, 20 ans après leur création.
[29/04/2019]
L’association européenne MARQUES, regroupant différents acteurs de la protection de marques, vient d’adresser un courrier à l’ICANN concernant la réforme des procédures UDRP afin d’exposer le point de vue des titulaires de droits.
Les conflits entre marques et noms de domaine peuvent s’avérer complexes compte tenu du caractère « aterritorial » d’internet qui complexifie la détermination de la loi applicable et du juge compétent, ainsi que l’incertitude d’une procédure judiciaire possiblement longue et coûteuse.
Pour pallier à cette complexité juridique, l’ICANN, assistée par l’OMPI, a introduit en 1999 une procédure d’arbitrage spécifique qui s’impose à tout titulaire de noms de domaine dans une extension générique (gTLD/newGLTD) : les Uniform Dispute Resolution Policy (UDRP).
Près de 20 ans après leurs créations, ces procédures n’ont fait l’objet d’aucune révision significative alors même que l’usage d’internet a considérablement évolué et avec lui, le cybersquatting.
La révision des procédures UDRP étudiée par l’ICANN.
Pour remédier à cela, un groupe de travail de l’ICANN a été chargé de réaliser un audit dans le cadre du Policy Development Process :
Ce travail de révision est réalisé en deux temps :
- La première phase est consacrée au nouveaux mécanismes de protection créés lors du programme des nouvelles extensions (NewgTLD) :
- URS (Uniform Rapid Suspension Dispute Resolution Procedure)
- TMCH (Trademark Clearinghouse)
- PDDRPs ( Post-Delegation Dispute Resolution Procedures)
- La seconde phase est dédiée aux procédures UDRP :
A cet égard, plusieurs problématiques avaient été préalablement identifiées :
- Protection des usages non-commerciaux et de la liberté d’expression des registrants
- Caractère alternatif du critère de mauvaise foi
- Paiement de la procédure par la partie perdante
- Introduction de dommages et intérêts
- Diminution des frais de procédures
- Présomption de mauvaise foi pour les récidivistes
- Traitement des atteintes aux marques réalisées sur le site associé et non dans le nom de domaine
- Décision en faveur du demandeur lors de l’absence de défense
- Protection des termes génériques
L’impact financier du cybersquatting pour les titulaires de droits évalué à 360 millions de dollars
C’est dans ce contexte que l’association MARQUES a interpellé l’ICANN afin de présenter plusieurs recommandations émanant des titulaires de droit et de leurs représentants.
Le premier constat concerne l’impact financier du cybersquatting pour les titulaires de droit. En effet, au 31 décembre 2018 et depuis leurs créations, plus de 72 000 procédures UDRP ont été initiées pour près de 110 000 noms de domaine.
Cumulés, les seuls frais d’admission des procédures UDRP devant l’OMPI représentent ainsi près de 64 millions de dollars de procédures. A cela s’ajoute les frais de constitution et de suivi de dossier par les cabinets de conseil, les frais de surveillance et d’enregistrement défensif ce qui totalisent près de 360 millions de dollars de frais liés au cybersquatting.
Alors même que 85% des décisions sont rendues en faveur des titulaires de marque, l’association MARQUES s’étonne qu’aucun frais ne soit mis à la charge des déposants malintentionnés.
Recommandations de l’association MARQUES à l’ICANN
Dans un souci de neutralité, l’association MARQUES a rapporté à l’ICANN neufs revendications des titulaires de noms de domaine et des titulaires de marques dans le cadre de cette révision:
Revendications des titulaires de noms de domaine :
- Panel minimum de 3 experts
- Possibilité d’appel devant le centre d’arbitrage UDRP
- Immunité pour les noms de domaine enregistrés depuis plus de 3 ans
- Appréciation du principe de spécialité de la marque au regard de l’usage du domaine
- Prise en compte du caractère territorial de la marque au regard du nom de domaine
- Délai de réponse étendu à 6 semaines
- Formation des experts UDRP par l’ICANN
- Pénalité renforcée pour le détournement des procédures UDRP (Reverse Domain Name Hi-Jacking)
Revendications des titulaires de marques :
- Le critère de mauvaise foi doit être apprécié de façon alternative et non cumulative (actuellement ce critère est cumulatif, la mauvaise foi doit donc être prouvée rétroactivement au moment du dépôt)
- Nomination des experts par les centres d’arbitrage
- Si une procédure d’appel est reconnue, elle devrait être demandée dans les 28 jours et nécessiter un paiement préalable
- Si un déposant perd dans 3 décisions, sa mauvaise foi devrait être présumée
- Lorsqu’un déposant perd la procédure, il devrait révéler l’intégralité de son portefeuille de nom de domaine et interdit d’enregistrer de nouveaux noms par la suite
- Un défendeur ne devrait pas pouvoir prétendre à l’ignorance de la marque compte tenu des possibilités de recherche de marque en ligne
- En l’absence de réponse du titulaire, la décision devrait être rendue en faveur du demandeur selon une procédure express
- L’ICANN devrait contribuer financièrement aux traitements des litiges UDRP
- Le titulaire du nom de domaine devrait payer 500$ de caution, rendue en cas d’échec de la procédure à son encontre
Gageons que ces recommandations soient entendues par l’ICANN. On constate en effet que les procédures UDRP sont désormais devenues les pierres angulaires des litiges entre les noms de domaine et marques, mais que leurs coûts continuent de freiner leurs adoptions.
De plus, les taxes importantes des centres d’arbitrage ont étalonné à la hausse les prix du second marché des noms de domaine dans le cas des cybersquatteurs. La diminution de ses coûts pour les demandeurs permettrait par effet de bord de limiter cette spéculation préjudiciable aux titulaires de marques.
Il existe aujourd’hui des stratégies effectives pour récupérer plusieurs noms de domaine en procédure UDRP (consolidation) ou action vis-à-vis des prestataires techniques (takedown). N’hésitez pas à vous rapprocher de notre Cabinet pour toutes questions relatives à ces problématiques.
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L’auteur :
Gaël Mancec | Juriste NTIC
Germain Maureau
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