La protection de l’AOP « MORBIER » s’étend à la forme et aux caractéristiques visuelles / identitaires du produit
[23/12/2020] L’interprétation des dispositions unionistes en matière de protection des AOP/IGP n’est pas chose aisée pour les juges nationaux. C’est la raison pour laquelle la Cour de Cassation a posé la question préjudicielle suivante à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) :
La reprise des caractéristiques physiques d’un produit couvert par une AOP, sans utilisation de la dénomination enregistrée, peut-elle constituer une pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit, au sens de l’article 13, §1 du Règlement n°1151/2012 (produits agricoles et aux denrées alimentaires) ?
Contrairement à ce qui avait été décidé par le Tribunal de Grande Instance et la Cour d’Appel de Paris, la réponse de la CJUE est positive.
En effet, la portée de la protection de l’AOP n’est pas limitée à sa dénomination au sens strict. L’article 13 vise plusieurs agissements et il revient aux juges d’apprécier les faits au cas par cas.
Nous savions depuis l’arrêt rendu par la CJUE concernant l’AOP « QUESO MANCHEGO » que l’évocation d’une dénomination enregistrée est susceptible d’être produite et sanctionnée par l’emploi de signes purement figuratifs qui évoquent l’AOP ou son aire géographique.
Le raisonnement adopté par la Cour est le même s’agissant de la forme et de l’apparence d’un produit dès lors qu’ils permettent au consommateur d’établir un lien suffisamment direct et univoque avec l’AOP.
La particularité de cette affaire est qu’elle porte sur un produit dont la forme cylindrique plate et la raie noire centrale horizontale sont particulièrement distinctives et directement visées dans son cahier des charges.
Dès lors, les agissements reprochés consistant à en reprendre l’apparence visuelle doivent entrer dans le champ de protection de la dite AOP.
La protection de l’AOP « MORBIER » s’étend à la forme et aux caractéristiques visuelles / identitaires du produit si leur reproduction est de nature à induire le consommateur en erreur, ce que doit maintenant apprécier la Cour de Cassation.
Si la position de la Cour de justice est particulièrement favorable à la protection des AOP/IGP au cours de ces dernières années, reste à observer si les Offices la suivront en rejetant, au stade de l’examen, les demandes de marques dont les éléments figuratifs ou tridimensionnels pourraient évoquer directement une AOP antérieure, son aire géographique ou son produit.
Producteurs et Organismes de défense et de gestion doivent donc veiller : nos équipes restent à votre disposition pour vous conseiller.