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Brevets

Voxer/Meta : le live streaming de Facebook et Instagram devant les tribunaux pour contrefaçon de brevets

Rédigé par Matthieu Objois, Conseil en Propriété Industrielle, Mandataire en Brevets Européens [10/10/2022] - Téléchargez l'article

Voxer est une société texane fondée en 2007 par un ancien membre des forces spéciales américaines chargé des communications. Estimant les outils actuels trop limités pour coordonner efficacement les soldats dans des situations de combats complexes, en particulier lors d’une embuscade qu’il vécut en Afghanistan en 2003, il chercha à développer sa propre solution, qu’il lança en 2011 sous le nom Walkie-Talkie.

Il s’agit d’une application pour smartphone visant à reproduire de manière bien plus ergonomique le fonctionnement des talkie-walkie militaires, en permettant aussi bien des communications en direct avec une ou plusieurs personnes sur appui d’un simple bouton (« push-to-talk ») que des échanges de messages, de photos et d’informations de localisation, le tout dans des conditions réseau potentiellement dégradées.

La technologie Voxer, basée sur le live streaming, a fait l’objet de multiples dépôts de demandes de brevets, et Voxer dispose aujourd’hui de plus de 70 brevet américains délivrés, notamment :

  • Le brevet US 8,180,030 concerne un procédé de streaming « hybride » dans lequel un contenu vidéo est à la fois streamé en direct et stocké en vue d’une diffusion en décalé. En particulier un premier flux peut être envoyé en direct alors qu’un deuxième flux est reçu.
  • Le brevet US 9,634,969 concerne un système de messagerie dans lequel une vidéo peut être streamée progressivement, au fur et à mesure de l’évolution des conditions réseau du destinataire.
  • Le brevet US 10,109,028 concerne une API pour un système de communication permettant entre autres d’appliquer des politiques de réponse aux messages entrant et de lecture en direct ou en décalé de ces messages entrants ;
  • Le brevet US 10,142,270 concerne une amélioration du brevet US 8,180,030 dans laquelle il n’y a pas besoin d’établir une connexion end-to-end entre expéditeur et destinataire.
  • Le brevet US 10,511,557 concerne une autre amélioration du brevet US 8,180,030 dans laquelle au moins deux versions dégradées du contenu vidéo sont générées et la version appropriée est transmise à chaque destinataire.

Voxer explique avoir été approché peu après le lancement de son application par le groupe Facebook, devenu aujourd’hui Meta, au sujet d’une potentielle coopération. Voxer aurait alors présenté à Facebook toute sa technologie de live streaming, sans que cela ne débouche au final sur un accord, et les deux sociétés se seraient séparées.

Cependant, le réseau social lance en 2015 Facebook Live, puis en 2016 Instagram Live, deux services permettant du streaming en direct vidéo, que Voxer dénonce comme étant basés sur sa technologie telle que présentée à Facebook.

A partir de 2020, Voxer assigne Facebook (ainsi que sa filiale Instagram) devant plusieurs juridictions pour contrefaçon de brevets d’abord en janvier 2020 devant la cour de Munich (Oberlandesgericht München) sur la base notamment du brevet européen EP 2 393 259 (même famille que US 8,180,030, US 10,142,270 et US 10,511,557), puis devant en juillet 2020 devant le tribunal fédéral du Texas (United States District Court for the Western District of Texas) sur la base des cinq brevets américains ci-avant mentionnés.

A peu près en même temps, Facebook contre-attaque devant la Haute-Cour du Royaume-Uni (UK High Court) en demandant la révocation du brevet EP 2 393 259 dans une procédure accélérée : c’est une manœuvre stratégique pour prendre de vitesse les cours allemandes, qui se solde par un succès car une décision de révocation (de la partie anglaise) du brevet EP 2 393 259 est prononcée pour défaut d’activité inventive.

Facebook lance par ailleurs une procédure de révocation (IPR, Inter Partes Review) devant la chambre de recours (PTAB, Patent Trial and Appeal Board) de l’USPTO sur la base des brevets américains invoqués.

Voxer renverse la vapeur et obtient une série de victoires qui culmine aujourd’hui :

  • en Mai 2021, le PTAB confirme la validité des brevets US 8,180,030,  US 10,142,270 et US 10,511,557 ;
  • en juin 2021, Munich juge que (la partie allemande) du Brevet EP 2 393 259 et que le mode ‘Live’ des applications iOS de Facebook et Instagram la contrefait
  • Enfin, le 22 septembre 2022, un jury populaire (comme c’est souvent le cas aux Etats-Unis dans les litiges de brevets) reconnaît Meta contrefacteur des brevets US 10,142,270 et US 10,511,557, confirme encore leur validité, et fixe le montant des dommages et intérêts à payer, un montant de plus de 174 millions de $.

Meta a déjà annoncé qu’elle ferait appel de cette lourde décision.

En attendant, les litiges s’accumulent pour Meta, qui est à présent poursuivie par Epidemic Sound, une entreprise suédoise de diffusion de musique libre de droits, d’héberger ses contenus audio sans autorisation, et accusée de collecte illégale des données personnelles des utilisateurs en pistant leur activités sur internet.

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